RENAISSANCE VF 1994-2015

La Via Francigena, itinéraire culturel européen: genèse et développement d’un réseau francigena élargi

Conférence par Adelaide Trezzini (A.T.) traduite de l’italien

Remerciements à la Présidente de la Fondation Besso, Prof.ssa Gilda Bartoloni , qui a recueilli le projet Via Francigena (VF), lorsqu’il fut présenté en 2013 pour la 2ème fois à l’Université La Sapienza-Rome. Selon son désir, seront mises en évidence les étapes et surtout la motivation à la base de cette longue et absorbante aventure: la passion pour la Culture Européenne.

Toute réalisation a son histoire: pour la VF, je voudrais nommer Mme Cesarina Misiani, qui présenta en 1993 à Strasbourg, au nom du Ministère du Tourisme Italien,l’itinéraire culturel prévu pour le Grand Jubilé de l’An 2000 et fut accepté tel quel par le Conseil de l’Europe en 1994. Très rapidement le Directeur Général du Mnistère l’ignora, disant que le projet n’avait pas d’intérêt touristique donc pas de futur …!).

Mon aventure a commencé par pur hasard en 1995, à l’occasion d’une exposition didactique au Château St-Ange-Rome où la VF était illustrée par des documents et un traçé sommaire Canterbury-Roma. En tant que suissesse avec éducation internationale et résidente à Rome depuis 1965, AT est sollicitée pour promouvoir la VF outre la frontière italienne: en Suisse, France, Angleterre où elle était totalement inconnue.

Il s’agissait d’un défi culturello-religieux: Rome comme but de pèlerinage ne vaut pas moins que Compostelle, non pas est-ouest, mais nord-sud; son histoire en est une démonstration bien qu’elle fut oubliée depuis 3 siècles. Il fallait la faire revivre à tout prix et elle méritait un engagement total, que toutefois je n’imaginais pas de si longue durée…

Après 2 ans de recherches sur le territoire et dans les monastères, un monde nouveau s’ouvre devant moi, celui de l’histoire millénaire sous mes pieds. Depuis lors, mon regard sur le paysage d’alentour (voies, sentiers qui franchissent les collines ou les montagnes, les ruelles des bourgs ou des villes jusqu’aux métropoles comme Paris ou Londres) a changé pour faire place à la curiosité de savoir le pourquoi de l’existence de la Via jusqu’à aujourd’hui.

Le début de la recherche ne pouvait être autre que l’hospice du Grand St-Bernard (GSB) sur le plus haut col des Alpes (2.450m) d’autant plus que je passais depuis 15 ans les vacances à Verbier à peine plus au nord.

Nous connaissons tous les étapes mentionnées par Sigeric au retour de Rome en 990, mais, n’oublions pas, pour qui voudrait créer un nouvel itinéraire, les étapes tout aussi tortueuses et difficiles qui ont permis la renaissance de la VF résumées dans la préface du directeur de l’Institut Européen des itinéraires Culturels (IEIC) de Luxembourg, Michel Thomas Penette (MTP) pour le Vademecum de la VF de Londres au GSB en 2002.

“…en 1994 le C. d’E a élu le thème de la VF, complémentaire de celui de Compostelle, créant le grand thème sur les pèlerinages historiques en Europe….Au cours des deux premières années de mise en oeuvre , le réseau a fonctionné grâce au soutien de l’Union Européenne (UE), et le Ministére du Tourisme s’est tourné vers d’autres “produits touristiques”, laissant les collectivités territoriales agir par elles-mêmes. L’initiative de relancer une véritable coopération dans toute l’Europe revient à Mme Adélaïde Trezzini qui a décidé de créer, voici plusieurs années, une Association pour remettre en oeuvre l’étude historique du Chemin et fournir aux pèlerins, comme aux touristes, des indications sur les parcours les moins bien connus…“.

Après la présentation, en 1996 à Strasbourg, du premier projetLa Route de Sigeric de la Manche aux Alpes”, la succession des étapes est dictée , par manque d’expérience évident, par une logique instinctive, mais il fallait faire vite; comme dit encore MTP en 2001, ” la continuation de la VF tient du miracle…”.

De la genèse au développement obtenu en 2008 environ, la voie est parsemée d’obstacles, même importants qui m’ont portés plus d’une fois au bord de l’ABANDON, des obstacles liés surtout à l’attitude des institutions nationales et européennes qui ne voyaient pas de bon oeil cette hyperactivité vouée à concrétiser au plus vite l’itinéraire européen.

Des faits anodins mais significatifs surgis au moment voulu m’ont redonné élan et courage. Et, comme toujours, les obstacles obligent à trouver des solutions très souvent bien meilleures; donc bienvenues!..”

Du projet au programme VF

il s’agissait avant tout d’affirmer le contenu culturel avec:

1. La validité et importance historique du but. Si Copostelle attire, grâce a une opération millénaire de marketing, des millions de pèlerins avec la tombe présumée de St Jacques, Rome avec les tombeaux des princes de l’Eglise, est tout aussi méritoire. Le patrimoine historico-culturel de Rome, de l’Italie et de l’Europe en sont une preuve éclatante: il s’agissait  de relier les vestiges romano-médiévaux encore in situ à un itinéraire dit culturel et j’insiste sur cela.
2. Un comité scientifique international, choisi dans notre cas par Prof. Franco Cardini en 2001 et réuni auprès de l’Institut Italien pour le Moyen-Age à Rome.
3
. La création d’un Centre international de Documentation VF, qui s’est constitué au cours des années (aujourd’hui en attente de trouver un siège approprié à la consultation publique).
4. Un programme de sauvegarde et de conservation du patrimoine des voies historiques et des monuments encore sur place; à Martigny-Suisse AIVF a lutté en vain pour sauver l’hospice St-Théodule du XIII sec.; pour parler de l’Italie, après 20 ans S. Maria di Forocassio X sec.-Vetralla a été l’objet de restauration, mais des succès plus consistants ont été obtenus grâce à des pétitions avec Italia Nostra par ex., en 2013 l’ancienne voie de la Val de Paglia avec sa mansio San Pietr’in Paglia di Sigeric a été insérée dans les Lieux du Coeur du FAI (Fonds Ambiance Italien), pour éviter à S. Gimignano un village touristique sur la VF ou encore les pistes cyclables dans le bourg à peine redécouvert de Cesano.

Etapes

  1. Faire la liste et créer des liens entre  toutes les diverses institutions italiennes impliquées dans la VF avant 1998.
  2. Recueillir, de Canterbury a Rome, toutes les coordonnées utiles des autorités religieuses – anglicanes, protestantes et catholiques (paroisses, diocèses, monastères) – et civiles intéressées par la VIA (communes, départements, provinces, régions, cantons) et TOUTES les associations de trekking (2 en Angleterre, 6 CDRP en France, 2 en Suisse et 10 en Italie en 2001 (aujourd’hui beaucoup plus nombreuses) acceptant de collaborer; quelques institutions ou associations refusèrent, l’individualisme est bien ancré.
  3. Promouvoir et diffuser le projet VF avec la création du premier site web francigena en juin 1998, initialement en 3 langues puis 4 langues (la grande majorité des pèlerins étant des étrangers) et sensibiliser la presse locale en Suisse et en Italie et le Bureau Philathélique du Vatican, comme premier contact en 1999, en proposant les reliquaires pour la série des Cartes postales dédiées à la VF!

Fortune de la VF

Conçu par le Ministère avec publications scientifico-culturelles comme itinéraire virtuel n’ayant que quelques tronçons à parcourir à pied dans la province de Parme, la VF devait se conclure avec la fin du Jubilé.
L’AIVF en perçoit le potentiel et s’engage à lui faire passer le cap de l’an 2000 imaginant la satisfaction de pouvoir traverser la France, la Suisse et l’Italie à pied, ce qui apparaissait comme une utopie.

Selon l’AIVF, pour renaitre et avoir un futur dans le temps, un itinéraire doit être foulé par des milliers de pieds comme nous le voyons aujourd’hui avec 3 ou 4.000 pèlerins en chemin (2014).
Pour arriver à ce résultat, il était indispensable de connaitre, depuis 2000, les nécessités pratiques des pèlerins (cartographies et liste des hébergements) et les satisfaire au plus vite tout en sachant que tout était à créer car la voie de pèlerinage pour Rome n’existait plus depuis des siècles.

Fascinée par l’histoire et la Culture de l’Europe, il était indispensable de rendre à la VIA sa dimension européenne sans quoi elle n’avait aucun sens.

Pour des questions pratiques, il a fallu subdiviser la VF de Sigéric en 2 sections d’env. 1000 km chacune, de Canterbury au GSB et du GSB à Rome.

Publications de poche

En 2002, pour produire les premiers Guide-Vademecum VF de Londres au Grand St-Bernard il fallait repérer et tracer un parcours qui respecte l’épine dorsale des mansioneshistoriques et le plus possible utiliser les “anciennes voies romaines” citées sur la cartographie au1:25000 pour la France (par ex. La voie romaine de la Coole après Chalons-en-Champagne).
Partageant mes hésitations au moment de publier le premier Vademecum et consciente de ses limites, le pèlerin français Alain me lança “Jamais rien n’est parfait” et, à ma grande surprise, les ventes commençèrent.

Mais: “Sans cartographie nous n’avons pas le courage de nous lancer sur le chemin”, donc il était indispensable de les réaliser.
Pour l’Italie, la cartographie de l’Institut Géographique Militaire (IGM) datait de 1945, elles représentaient le grand problème pour les pèlerins français convaincus de pouvoir leur faire confiance en marchant; jetées à la poubelle, ils rentraient chez eux bien déçus (jusqu’en 2007  50-70% abandonnaient). L’AIVF cherchait à les encourager, car sans des pionniers courageux la VF n’aurait jamais pu revivre.

Ce fut grâce à la généreuse collaboration de 6 polices provinciales qu’il fut possible de publier en 2007 la première cartographie Topofrancigena du GSB à Rome, encore valable actuellement; mais cela ne suffisait pas encore selon Henry de Dijon: “Votre VF ne peut avoir de futur car chaque jour c’est un pèlerinage à la recherche d’un hébergement pour passer 1 des 20-40 nuits du voyage; c’est ainsi que l’AIVF créa le Dormifrancigena, dépliant contenant environ 250-280 logements, devenu un MUST pour chaque pèlerin. N’oublions pas qu’à partir de 2001, les curés italiens ne voulaient plus de pèlerins, l’Année Sainte est terminée!
Un organisation spécifique devait être créée avec urgence, autrement le risque de voir disparaître la VF comme en 1996 était trop grand.

Le “Jamais rien n’est parfait” nous a stimulé à publier jusqu’à ce jour, 25 opuscules, cartographies, guides et recherches scientifiques, en particulier “S. Pellegrino tra Mito e Storia in Europa” en 2009 et “Le bourg fortifié de Cesano sur la VF” en 2013.

Se rappelant de l’expérience du Chemin de Compostelle, le californien Brandon Wilson en 2000 s’attendait à être reçu à la Basilique de St-Pierre pour avoir marché de Aoste à Rome: quelle illusion!

Il faut absolument créer (il faudra 10 mois!) les crédentielles, le Testimonium et l’organisation de l’Accueil des pèlerins.

Ainsi commence l’implication du Vatican et naît la première crédentielle du pèlerin Litterae patentes Peregrinatoris iter per viam francigenam facenti à faire tamponner chaque jour; et surtout l’AIVF crée et remet à l’archiprêtre de la Basilique le Testimonium, un parchemin attestant la fin du pèlerinage à la tombe de Saint Pierre, sur le modèle de la renommée Compostela. Le 7.7.2001 Serge et Huguette Hamelin du Québec seront les premiers pèlerins à le recevoir aprés avoir marché de Canterbury à Rome, pionniers héroïques.  Pour ne pas perdre mémoire de leur témoignage et de tous ceux qui suivront, l’AIVF réalise un Registre des pèlerins de la VF de la Basilique où sont inscrits à ce jour 6.000 pélerins provenant du monde entier.

La Basilique de St-Pierre reçoit des millions de touristes par an, tandis que Santiago seulement des pélerins, voici la grande différence.

En repensant aux prévisions de Patricia Briel, journaliste de “Le Temps” (le plus important quotidien de Suisse Romande) formulées en août 2001 et synthétisées dans le sous-titre de l’article: “Grâce aux efforts d’une Genevoise résidant à Rome, la Via Francigena devient une sérieuse concurrente du Chemin de St-Jacques de Compostelle”, ce qui semblait impossible est en train de s’avérer.

Reconnaissance officielle

En 1998, le néo IEIC-Luxembourg signe un accord de partenariat avec AIVF, renouvelé jusqu’en 2003.

     En 2001, le projet VF fait des pas de géant; l’AIVF obtient le patronnage de 4 Etats (Saint-Siège, Italie, Suisse et France); essentiel avoir un logo fort et significatif tout comme la coquille de St-Jacques-symbole universel pour Santiago: l’AIVF forge la marque VF enregistrée à l’OMPI (Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle) en insérant le profil du pélerin du XVème s. au centre Roma de la Tabula Peutinger et pour plus de clarté ajoute le dicton “Tous les chemins mènent à Rome”. La marque est reconnue la même année par le C. d’E. et mis à jour en 2007. Toujours en 2001, l’AIVF  est honorée du IXème Premio S. Benedicti du Rotary International comme contribution à la Culture Européenne.

L’AIVF, référente VF au C. d’E. jusqu’en 2007, en 2004 reçoit à Wrozlaw-PL, avec AEVF,  le diplôme  de Grand Itinéraire Culturel pour la VF du C. d’E.

Développement du programme VF

Après les premiers symptômes de renaissance de la VIA, grâce aux premiers passages de pèlerins, Massimo Tedeschi de l’Association des Communes sur la VF – qui changera plusieurs fois de dénomination jusqu’à Ass. Européenne des Vie Francigene (AEVF) pour s’adapter au changement et évolution constante de la réalité.

Avec l’intervention massive des Médias depuis 2005, la multiplication de manifestations VF, la diffusion de la VIA Francigena dépasse toutes les pévisions et même les possibilités concrètes d’en assurer le balisage, l’entretien des sentiers, des parcours, des structures d’hébergements etc. Une organisation centralisée (religieuse ou laïque) serait nécessaire pour coordonner et gérer le flux des pèlerins, et conserver la valeur spirituelle de base.

Depuis 2007 l’AEVF a repris le témoin comme référent officiel au C.d’E. pour la VF en assumant tous les engagements diplomatiques, politiques et de marketing qui dépassent nos compétences.

A l’AIVF reste la grande satisfaction d’avoir su et pu, en tant que pionnière, faire revivre la VF de Canterbury à Rome (avec l’espoir qu’elle reste dans la mémoire de la VF).

AIVF reste fortement engagée pour la réhabilitation des voies historiques documentées, mais pas encore officiellement reconnues bien qu’elles soient praticables et de grand intérêt tant pour les monuments que pour le paysage. Voulant faire quelques exemples et commençant par la France avec la voie des Anglais ou de la Leuléne dans le Pas-de-Calais, avec le col de Jougne du Jura, voie celtique-romaine appelé “Route d’Italie” jusqu’au XIX s. proposée dans notre dernier guide “La VF di Sigeric de Pontarlier au GSB” de 2013.

Pour l’Italie parlons de la voie romano-mediévale Ivrée-Santhià au sud du lac de Viverone, Sarzana – Bocca della Magra (site de l’ancien port de St-Maurice) – Luni,  la très ancienne via della Casellona de S. Quirico d’Orcia, Abbadia S. Salvatore, la mansio di S. Pietr’in Paglia et, encore l’étrusque-romaine Monterosi – Cesano – La Storta; les communes intéressées sont notre espoir.

Ces variantes représentent un PLUS historico-culturel et paysagiste à la VF, pour la joie des touristes et des pèlerins.

Avec cette finalité, AIVF a réalisé 3 APP DorMi-ToPo-francigena qui seront online d’ici quelques jours et qui laissent le libre choix entre la VF officielle et quelques variantes historiques du GSB à Rome mises à jour en 2015.

La cartographie des voies de pèlerinage en Europe, publiée en 2009 sur notre nouveau site web, met en évidence le développement du réseau EUROPÉEN des Voies Francigena  et leur compénétration et intersection avec le Camino de Santiago bien connu, la voie de Nikulas di Muntkathvera (en 1154 depuis l’Islande, longeant le Rhin, Bâle, Strasbourg et Vevey sur le Lac Léman) redéfinie en 2010 avec Topo et Dormi, le prolongement de la via de Sigeric jusqu’à Bari et Jérusalem, dénommée La VF du Sud(depuis peu reconnue par le C. d’E.), la voie romieuse- germanique de Albert von Stade (de 1250) qui passe par le col du Brennero et Vérone pour retrouver la VF à Montefiascone.

L’extraordinaire aventure VF commencée en 1995 et partagée avec des milliers de pélerins de 27 nations, se poursuit avec la revitalisation de la via francisca-francigena du Lukmanier, la voie des empereurs qui, du Lac de Constance, St-Gall et Coire, permettait d’arriver à Pavie, Milan, Rome.

Que l’esprit à la base du travail commun pour faire renaître cet immense réseau puisse rester celui de la devise de l’AIVF:

CONNAÎTRE L’EUROPE D’HIER POUR MIEUX VIVRE L’EUROPE D’AUJOURD’HUI

non seulement comme conscience historique et culturelle, mais surtout comme compréhension et tolérance humaine.

L’Association Internationale Via Francigena, de droit privé suisse exclusivement de volontariat, née pour valoriser culturellement et touristiquement les voies de pélerinage vers Rome, en quelque sorte s’est acquittée de son devoir.

Merci

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